Islande : ​​Sur La Route 1 – Voyage Entre Feu Et Glace

​​Sur la Route 1 : Voyage entre feu et glace

Début avril, dans l’avion.

Ça y est, les vastes paysages islandais se déploient devant nous. La Route 1, fragile ruban d’asphalte encerclant l’île, se distingue depuis les airs. On ne le sait pas encore, mais on s’en doute : chaque kilomètre emprunté sur cette route nous plongera dans une terre sauvage, façonnée par le feu et la glace.

Tableau géologique de l’Islande :

Sous nos pieds, se trouve une île relativement jeune à l’échelle géologique, sa formation a débuté il y a environ 20 Millions d’années. L’Islande est parcourue du nord au sud par un rift qui constitue la partie émergée de la dorsale médio-atlantique. (La dorsale mesure 15 000 km de long et forme une gigantesque chaine de volcan sous-marin au milieu de l’Atlantique.)


De part et d’autre de ce rift se trouvent les plaques tectoniques américaines et eurasiennes. Elles se séparent à un rythme d’environ 2 cm par an, entraînant une activité volcanique intense. La lave en fusion remonte pour venir prendre la place laissée par l’écartement des plaques et se solidifie, créant de nouvelles terres islandaises.[1][2]

Schémas explicatifs de l’emplacement de la dorsale médio-atlantique sur le territoire islandais, de la formation d’un rift et de la dorsale médio-atlantique dans son intégralité. ©sciencestuff

L’Islande repose aussi sur ce qu’on appelle « un point chaud » des poches de magma, sous la croûte terrestre, remontent et alimentent une activité volcanique et géothermique intense. Ce double volcanisme, de rift et de point chaud, fait de l’Islande l’endroit où se répand le plus grand volume de magma à la surface du globe. Les paysages que nous allons explorer, façonnés par cette géologie unique, sont à 99 % constitués de roches volcaniques.

Description photo la Route 1, tranchant les paysages, construite entre 1940 et 1974 pour relier les régions les plus reculées.

Jour 1 : Le Cercle d’or – Où la Terre s’ouvre sous nos pieds

Début avril 2018, dans l’avion.

Ça y est, les vastes paysages islandais se déploient devant nous. La Route 1, fragile ruban d’asphalte encerclant l’île, se distingue depuis les airs.
Chaque kilomètre emprunté sur cette route va nous plonger dans une terre sauvage, façonnée par le feu et la glace.

À peine arrivés, nous récupérons notre van. Premier arrêt : faire des provisions pour les premiers jours. La disponibilité des produits alimentaires en Islande n’a rien à voir avec la France, alors ce sera skyr pour le petit déjeuner, et pâtes pour les repas.

Nous prenons ensuite la direction de Reykjadalur, à l’est de Reykjavik, pour une petite randonnée. La vallée nous accueille avec ses fumerolles dansantes au-dessus des rivières. La neige est omniprésente, mais l’air est curieusement chaud et humide. En fin de parcours, nous nous plongeons dans une source d’eau chaude naturelle, chauffée par l’activité géothermique de la région [3].

La première nuit, nous la passons dans un petit camping pour vans, un champ où quatre ou cinq véhicules se tiennent avec une maisonnette équipée de douches et d’une cuisine. Simple, mais parfait pour débuter le voyage.

Le lendemain, nous reprenons la route pour découvrir le Cercle d’Or, une introduction idéale à l’Islande. Dès Þingvellir, tout semble vibrer sous nos pieds.
Ce lieu se trouve à la frontière entre les plaques eurasienne et nord-américaine, la Terre se déchire en deux. Une immense faille traverse le paysage, laissant derrière elle des fractures, traces du mouvement perpétuel des continents qui s’écartent de quelques centimètres chaque année [4]. C’est ici qu’on peut marcher ou plonger entre les continents Européen et Américain. 

Plus au sud, à Haukadalur résonne l’éclat des geysers et des cascades. Le geyser Strokkur expulse de l’eau bouillante dans les airs, un spectacle qui se répète toutes les dix minutes. Le sol est fumant autour de nous, les bassins d’eau sont turquoise et les vapeurs sulfureuses. Cette puissance géothermique est due à la présence de magma résiduel à faible profondeur. [5]

paysage lors de la randonnée à Reykjadalur
Bain chaud naturel
route 1 entre les montagnes
vue sur l’océan atlantique

Paysage du cercle d'or :

Drapeau Islandais à côté du cratère volcanique Kerið
Geysir
Gullfoss

cratère volcanique Kerið

Partie 2 : Les côtes sud – Entre plages de diamants et volcans endormis

En continuant vers le sud, la Route 1 nous conduit au pied du géant Eyjafjallajökull. Ce volcan, dont l’éruption en 2010 a marqué le monde entier, est aujourd’hui assoupi sous sa calotte glaciaire. À ses pieds, les traces de l’éruption sont encore visibles : on peut voir des champs de lave refroidis et des cendres noires recouvrant le sol. Nous poursuivons notre chemin jusqu’à la plage de sable noir de Reynisfjara. Sur cette plage des colonnes basaltiques, formées par le refroidissement brutal de la lave en contact avec l’océan, se dressent tels des orgues naturels. [7]

On peut même y voir des macareux moines plongant depuis les falaises à la recherche de poissons pour se nourrir. Ces oiseaux, pourtant si robustes, sont menacés par les changements climatiques. Leur habitat ici, au milieu de ces sculptures de lave, semble pourtant si préservé [8].

Plus loin, on aperçoit Diamond Beach. Sur cette plage, les morceaux de glace du Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe, [9] s’échouent comme des joyaux sur le sable noir, d’où son nom. Les blocs scintillent quand le soleil décide de pointer le bout de son nez et il n’est pas rare d’y voir des phoques jouer autour.

Plage de sable noir de Reynisfjara (à gauche), colonnes « orgues » basaltique (à droite) et champs de laves refroidie avec glacier en fond (au centre)

Skógafoss

Diamond beach morceaux de glace et sable noir

Deux langues glacière du Vatnajökull vue depuis la route

Le Vatnajökull recouvre plusieurs volcans endormis. Sa masse de glace alimente des rivières puissantes qui, à leur tour, sculptent les cascades de Skógafoss et Seljalandsfoss. Ce glacier n’est pas qu’un paysage figé. Il est défini par des forces en perpétuelle évolution, parfois dévastatrices, comme lors des jökulhlaups, ces inondations brutales provoquées par les éruptions sous-glaciaires. [10]

Une autre langue glacière du Vatnajökull

Vatnajökull depuis le lagon ( ou lac glacier) de Fjallsárlón

Sur la partie sud de l’île, les kilomètres s’enchaînent, et toutes les trente minutes, le paysage change radicalement. Nous croisons peu de monde. La météo est imprévisible : il fait beau, puis il pleut, puis le vent se lève. On avale les kilomètres.
Une tempête de neige bloque l’est de l’île, alors nous décidons de poursuivre sur la Route 1 vers le nord, un peu inquiets de rester coincés dans le van.

Partie 3 : Norðurland - Les fjords isolés du nord

Le lendemain, nous pénétrons dans le Nordurland, une région où l’isolement se fait de plus en plus sentir.

À mesure que nous approchons de Húsavík, petite ville portuaire nichée entre les fjords, le paysage devient encore plus sauvage. Les routes creusées dans la roche serpentent le long des falaises, plongeant dans la mer du Groenland. Chaque virage dévoile une nouvelle vue à couper le souffle. La région est caractérisée par des fjords sculptés par d’anciens glaciers du Pléistocène [11]

Non loin de là se trouve le lac Mývatn qui est entouré de pseudo-cratères, formés par des explosions de vapeur lorsque la lave chaude est entrée en contact avec l’eau [14]. Ce site est un lieu privilégié pour observer des phénomènes volcaniques récents et une biodiversité remarquable, avec plus de 115 espèces d’oiseaux, notamment des canards migrateurs [15].

Islande Iceland

Maison isolé dans un des Fjord du nord

Foss

Fjord du nord

Islande Iceland
Islande Iceland

Falaise au nord de Husavík face à la mer du Groenland

Nous décidons de passer quelques nuits dans cette région pour explorer les fjords. Les petits villages que nous traversons semblent figés dans le temps.
Les jeunes femmes qu’on croise semblent n’avoir pas plus de 18 ans et se promènent avec leur tribu d’enfants, un quotidien bien différent du nôtre. Nous passons sous les montagnes par des tunnels creusés dans la roche, si vétustes qu’on dirait qu’ils ont été façonnés à la pioche.

En chemin, nous tombons sur un petit phare pittoresque, gardé par un chien incroyablement amical avec qui nous passerons un long moment.

Il ne nous reste plus que deux nuits avant de prendre l’avion. Nous sommes encore dans le nord et la route jusqu’au sud-ouest s’annonce longue. Nous devons continuer notre route jusqu’à la péninsule de Snæfellsnes, où les paysages prennent des teintes orangées, annonçant la fin de notre périple.

Partie 4 : Les fjords du sud-ouest entre Arc-en-ciel et faune sauvage

Les fjords du sud-ouest de l’Islande sont notre dernier grand arrêt. La lumière changeante de cette région crée des spectacles uniques : après une averse, les arcs-en-ciel apparaissent sur un fond de végétation ocre, composée de mousses et de lichens. La végétation, malgré son aspect délicat, est parfaitement adaptée aux conditions extrêmes de cette région [16].

La faune y est riche : les renards arctiques (Vulpes lagopus), derniers représentants des mammifères indigènes [17], ainsi que les rênes sauvages, introduits au XVIIIe siècle [18], parcourent ces terres accidentées. Le long des côtes, des phoques et une variété d’oiseaux marins, tels que les cormorans et les fous de Bassan, peuvent être observés dans leur habitat naturel [8].

Le sentiment d’isolement est total. Seuls les bruits du vent et des oiseaux marins viennent troubler le silence. Ce paysage, façonné par les glaciers du Pléistocène, semble hors du temps. Les fjords s’étendent à perte de vue, et chaque recoin invite au voyage [11].

Mais ici, le vent est redoutable. Si fort qu’il finit par arracher la porte de notre van ! Le coût des réparations, un passage au garage et une tentative de négociation en anglais s’ensuivent. Sur le moment, nous sommes désemparés, perdus sur une falaise à des centaines de kilomètres de la première ville. Ce n’est que bien plus tard que nous en rirons.

Notre voyage touche à sa fin. Nous passons une nuit au bord d’un lac.

 

Retour à Reykjavík – Boucler la boucle

Peu à peu, la route nous ramène à Reykjavík. La civilisation réapparaît, mais l’empreinte de ces paysages reste indélébile. Malgré sa beauté saisissante, l’Islande ne se contente pas que d’être admirée. Elle nous pousse à comprendre la vulnérabilité de ses écosystèmes et la puissance des forces qui sculptent encore notre planète. Nous regagnons Reykjavik pour une dernière visite de la capitale, puis nous reprendrions l’avion en direction de la France.

Sources :

[1] Saemundsson, K. (1979). Outline of the Geology of Iceland. Jökull, 29, 7-28.
[2] Einarsson, P. (2008). Plate boundaries, rifts and transforms in Iceland. Jökull, 58, 35-58.
[3] Icelandic Tourist Board. (2023). Reykjadalur Hot Springs.
[4] Thordarson, T., & Larsen, G. (2007). Volcanism in Iceland in historical time: Volcano types, eruption styles and eruptive history. Journal of Geodynamics, 43(1), 118-152.
[5] Gudmundsson, A. (2000). Dynamics of volcanic systems in Iceland: Example of tectonism and volcanism at juxtaposed hot spot and mid-ocean ridge systems. Annual Review of Earth and Planetary Sciences, 28(1), 107-140.
[7] Jakobsson, S. P., & Gudmundsson, M. T. (2008). Lava Pillows and Basaltic Formations in Iceland. Earth Sciences Review, 74(4), 351-368.
[8] Icelandic Institute of Natural History. Birdlife in Iceland.
[9] Björnsson, H., et al. (2013). The volcanic systems and volcanic activity in Iceland. Jökull, 63, 3-28.
[10] Björnsson, H. (2002). Subglacial Lakes and Jökulhlaups in Iceland. Global and Planetary Change, 35(3-4), 255-271.
[11] Benn, D. I., & Evans, D. J. A. (2010). Glaciers and Glaciation. Arnold.
[12] Evans, P. G. H. (2009). Marine Mammals of the North Atlantic. 
[13] Jónsson, S. (2007). The Mid-Atlantic Ridge and Oceanic Ridges. Encyclopedia of Earth Sciences Series.
[14] Thorarinsson, S. (1951). Lacustrine Pseudocraters in Iceland. Geografiska Annaler, 33(1-2), 17-23.
[15] Einarsson, Ó. (2000). The Lake Mývatn area: Birds. Icelandic Institute of Natural History.
[16] Kristinsson, H. (2010). Flowering plants and ferns of Iceland. Mal og menning.
[17] The Arctic Fox Centre. (2023). Vulpes Lagopus: The Arctic Fox in Iceland.
[18] Þórisson, S. (1984). Reindeer in Iceland. Acta Zoologica Fennica, 172, 159-160.

Islande Iceland
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couleur sable

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THE END

The Greenland Sea